« 7 avril 1967, ce jour-là, les élèves du vieux bahut traversent à pieds, classe par classe, la place du Collège et la place Mathias » (1). L’installation dans le nouveau lycée, fraîchement construit, commence.

Ce déménagement était très attendu, le vieux lycée de garçons, rue du Collège, « explosait » : 1500 élèves dont une partie entassée, depuis 1963, dans des préfabriqués qui débordaient sur la place adjacente.

    Mais le processus de construction pourtant décidé huit ans plus tôt, en 1959, a été long, tortueux, indécis, jusqu’à excéder les parents d’élèves qui décident par exemple, le 4 novembre 1963, de ne pas envoyer leurs enfants au lycée en signe de protestation (1). En effet, le pouvoir à l’époque est très centralisé et tout est décidé d’en haut, le choix des architectes, des projets, des entreprises, les montages financiers (2). Finalement les travaux commencent au printemps 1965 sur l’emplacement dit « Les Prés-Sainte-Marie », quasiment en pleine campagne. Le premier bâtiment avenue Monnot, celui de la direction, est achevé en juillet. Un an plus tard, en septembre 1966 émerge celui de l’internat puis en novembre, le dernier bâtiment, un externat de 110 mètres de long (1).

      Sur la photographie, la structure apparente est caractéristique de l’architecture industrielle de l’époque, comparable à celle des grands ensembles. Il faut construire vite à un coût raisonnable. Tout est standardisé : le gros œuvre consiste à assembler poteaux et poutres sur lesquels sont fixés des panneaux préfabriqués. Les locaux sont répartis dans des bâtiments ayant la forme de grands blocs rectangulaires, sur deux ou trois étages, desservis par des escaliers aux extrémités et un escalier central (2).  

      Le lycée Mathias émerge donc dans un contexte de massification et de démocratisation de l’enseignement secondaire : entre 1965 et 1985, plus de 1000 lycées sont construits et le nombre de lycéens passe de 800 000 à deux millions (3).  

      Finalement la première véritable rentrée scolaire se déroula le 19 septembre 1967 de la 6^ème à la terminale, 1500 élèves dont plus de 200 internes. A l’époque, le nouveau lycée n’avait pas de nom et c’est l’usage populaire qui va s’en charger. Sans doute, Jean-Jacques Mathias (1776-1854), magistrat parisien qui passa sa jeunesse à Chalon-sur-Saône, n’imaginait pas passer à la postérité en léguant sa bibliothèque à la ville. La municipalité, en remerciement, inaugura une nouvelle rue en 1878, « l’avenue Mathias » qui, par extension, donna son nom quelques années plus tard à la grande place aménagée pour les foires, puis enfin au lycée dont le nom officiel était à l’origine … « lycée régional polyvalent ».

       Aujourd’hui notre lycée, s’il a conservé en partie son apparence des origines, a été considérablement rénové dans son écrin de verdure aux portes du centre-ville et tous, élèves et personnels, s’y sentent bien, vraiment bien.

      Pascal Borey, professeur d’histoire-géographie

Sources :

   (1) ELLY, Claude Les 50 ans du lycée Mathias, Chroniques chalonnaises, n°69, janvier 2017

   (2) CAHON, Julien, Les politiques d’industrialisation des constructions scolaires et leur remise en cause : l’exemple des lycées publics (1956-1986), In Situ, Revue des Patrimoines, n°44, 2021

   (3) PROST, Antoine, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », in CASPARD Pierre,     

  LUC Jean-Noël & SAVOIE Philippe (dir.), Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire, Paris, INRP, 2005, p. 463-464.

  CONSEIL REGIONAL DE BOURGOGNE, Histoire du collège secondaire de Chalon-sur-Saône 1290-1990, 1990

  LEVEQUE, Pierre, L’histoire de Chalon-sur-Saône Sous la Direction : PUF, 2005

  DELANNOY Gérard, Un autre Mathias, Images de Saône-et-Loire n°103, novembre 1990